La représentation du personnel, pour quoi ?

Le cadre légal 

La représentation du personnel porte la voix des salarié∙es auprès de l’employeur concernant les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise. 

Elle contribue à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel. 

Ses champs de compétences se situent sur l’emploi et l’organisation du travail (dont la formation professionnelle), sur les conditions de travail (dont les techniques de production) et la rémunération, la vie privée et les nouvelles technologies, les événements ou décisions susceptibles d’avoir un impact important sur l’organisation ou les conditions de travail, la prévention et la protection au travail. Elle est aussi informée et peut porter l’expression des salarié∙es sur la gestion et l’évolution économiques et financières de l’entreprise. 

http://www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=44473 

http://www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=575 

La participation aux élections sociales et à la construction du dialogue social coopératif est donc essentielle pour faire évoluer collectivement les conditions de travail au sein de Smart et ainsi agir sur un ensemble de sujets tels que l’égalité professionnelle, le handicap, la formation, l’évolution des carrières, des compétences, les risques psychosociaux, la sécurité au quotidien, l’impact des nouvelles technologies… 

 

Représenter aussi les travailleur·euses autonomes, à quoi ça me sert ? 

Lorsque je réalise une prestation avec Smart, je signe un contrat, je deviens salarié·e et Smart est employeur. 

Pour réunir les conditions d’une représentation du travail à Smart, et amener les entrepreneur·es à devenir autonomes à plusieurs plutôt qu’à être des indépendant·es qui coexistent, il est nécessaire de mieux penser le mixage des postures qui se trouve chez une même personne : salarié·eentrepreneur·e, membre, sociétaire, autonome, indépendant·e. Car ces postures ou ces identités coexistent et se confrontent parfois.  

Il s’agit donc de trouver un équilibre, dynamique, pour accompagner ce mouvement entre les différentes postures vers un travail autonome à plusieurs. Cet accompagnement peut être assuré par soi-même, par ses pairs ou par des salarié·es de la structure mutualisée ou par un espace de dialogue entre les représentant·es de différentes coopératives du même type qui mettront ainsi en commun les situations, les solutions, les rites qui permettent de dépasser les clivages d’un fonctionnement réduit à une expression binaire patronat / salariat. 

En participant à la représentation du personnel, j’agis aussi sur ma condition et celle des autres en tant que travailleur∙euse autonome. 

Même si la question économique est première – dans le sens  je dois moi-même générer mon revenu  pour mon activité, mon émancipation passe aussi par ce que je vis au quotidien.  

Même si j’organise mon activité, mon temps, mes modes de mise au travail, le cadre de mon activité autonome se crée grâce à des échanges collectifs et des actions au sein de Smart.  

En échangeant sur les problématiques communes à de nombreux travailleur∙euses (temps, revenu, sécurité, prévention, protection, formations, égalité…) au sein des instances représentatives du personnel, nous aurons les moyens de faire évoluer notre quotidien. 

 Du dialogue social vers le dialogue social coopératif 

Cette partie s’appuie sur les travaux réalisés en partenariat avec la Manufacture CoopérativeLa Manufacture Coopérative allie praticiennes de la coopération et chercheur∙euses dans une dynamique de recherche-action. 

Le cadre légal du dialogue social est le produit d’une histoire sociale industrielle, marquée par cette dimension matérielle de la mise au travail, des risques, des accidents et par le caractère aussi physique de la confrontation entre ouvrier∙es et patron∙nes (ou le plus souvent cadres dirigeant∙es). A cette dimension industrielle, s’ajoute une dimension institutionnelle : le fonctionnement de la représentation du personnel est défini légalement, ce cadre servira de guide normatif, voire de repère pour un recours. 

Les règles légales, les rôles sociaux tels que définis, mais aussi une large part des représentations sociales (imaginaire, histoire, formation, vademecum des représentant∙es, etc.) dont nous disposons (via syndicats, organismes de conseil, etc.) construisent des postures opposées. Il s’agira alors pour les représentant∙es salarié∙es d’interroger la direction, de demander des comptes, de revendiquer. Loin de l’idée que l’ensemble de ces postures et actions des représentant∙es du personnel puissent être dénoncées dans nombre d’entreprises, car ces acteur.rices font face à la réalité de la coupure instaurée par les patronats, il semble intéressant de voir ce que ces dispositifs produisent dans la culture coopérative. 

 La construction institutionnelle de la représentation du personnel heurte les coopératives – et encore plus lorsqu’elles regroupent des travailleur∙euses autonomes – d’un double point de vue : 

  • en tant que coopérative, le projet originel est de dépasser les coupures et non de les entretenir, pour répondre aux enjeux d’une gouvernance partagée. 
  • en tant qu’entreprise de travail autonome, se baser sur des instances propres au salariat fordien conduit à des injonctions contradictoires ; c’est l’enjeu du travail autonome en structure collective et coopérative, celui plus spécifiquement des entrepreneur∙es-salarié∙es. 

Le cadre de la représentation du personnel coupe, clive, assigne à des rôles opposés. Là où le projet de coopérative vise à être un espace de co-construction, de délibération. Le référentiel implicite de la représentation du personnel est ainsi contradictoire avec la démarche coopérative, en ce qu’il fixe des postures, impose des rôles où l’on va demander des comptes à la direction. 

De cette contrainte qui fige les rôles, construit des oppositions et souligne la subordination quand elle existe, la façonne quand elle n’existe pas (pour les travailleur∙euses autonomes de facto) il semble qu’on pourrait la subvertir, comme l’histoire des mutuelles de travail et des coopératives nous montre que l’innovation et l’expérimentation passent par la subversion des règles.  

Il est nécessaire d’investir la représentation du personnel avec l’esprit coopératif – et non la laisser se construire dans une démarche d’opposition et de coupure – pour permettre de faire émerger un nouvel espace de dialogue. 

Il s’agit alors de mettre le travail, les conditions de travail, les conditions de la mise au travail comme objet essentiel d’échange, de délibération, sans isoler les représentant∙es dans un ailleurs, mais qu’ils.elles participent véritablement au cœur des sujets de notre coopérative.  

 

Émancipation économique et émancipation politique  

Cette partie s’appuie sur les travaux réalisés en partenariat avec la Manufacture Coopérative. La Manufacture Coopérative allie praticien∙nes de la coopération et chercheur∙euses dans une dynamique de recherche-action. 

 Ce que le dialogue social coopératif dans une structure comme la nôtre a pour objet renvoie à la fois à l’émancipation économique et à l’émancipation politique.  

A la fin du XIXe siècle, ces deux approches différentes se sont opposées et ont abouti à une scission au sein du mouvement ouvrier, dont on peut considérer qu’elle est une des origines de la séparation entre le mouvement ouvrier (au sens syndical) et le mouvement coopératif.  

Lorsque Proudhon privilégie l’émancipation économique à l’émancipation politique, il s’intéresse à l’agir coopératif. Il met en avant la nécessité de s’organiser entre travailleur∙euses, au sein des lieux de productions, et s’oppose à un mouvement qui chercherait, de façon centralisée une émancipation d’abord politique. 

L’émancipation chez Marx est aussi collective, mais elle ne se situe pas dans le travail au sens de l’activité, ni dans une auto-organisation de la production, mais dans la lutte politique. Alors que chez Proudhon puis dans le mouvement coopératif, l’émancipation est dans le travail (bien sur la réalité dans le panorama des coopératives est en fort décalage avec cette position de principe). 

Toujours est-il que cette coupure entre objectif autogestionnaire ancrée dans la production et visée révolutionnaire ancrée dans le mouvement politique marque très profondément les imaginaires politiques depuis 150 ans.  

Sans avoir une ambition démesurée par rapport à ce clivage, il s’agit aujourd’hui de regarder émancipation politique et émancipation économique comme deux composantes en relation ; et cela d’autant plus que nous nous situons dans des organisations aux prises avec l’effritement du salariat alors que le débat Marx-Proudhon est en avant-garde de sa structuration. Nous savons ce que le salariat a apporté et comment il a transformé la sociétéLe point pour nous est de définir comment, en suivant la position proudhonienne de l’émancipation à l’échelle de collectif de travail, accorder conjointement une dimension politique forte. Ainsi, et plus concrètement, pour atteindre et associer émancipation économique et émancipation politique, il est nécessaire de mêler différents facteurs qui interagissent entre eux et forment les conditions de la vie privée pour permettre de travailler correctement. La stabilité économique pour vivre correctement est en quelque sorte un préalable pour envisager de s’intéresser à la culture coopérative et prendre part à la vie coopérative. Et respectivement, plus cette dernière est investie, plus elle permet de répartir la responsabilité du portage du projet coopératif. 

En cumulant l’approche sur ces sujets, ce sont bien l’émancipation économique et l’émancipation politique qui sont invitées à entrer en résonnance. Ce dialogue social coopératif est incarné et porté par différent·es acteur·trices de la coopérative plus ou moins fortement qu’il.elles soient en posture de salarié·e, d’entrepreneur·e ou de sociétaireset qu’il.elles exercent l’accompagnement, la production, la médiation, la représentation ou la responsabilité légale. 

Si vous êtes dès maintenant intéressé∙es, pour vous impliquer, être mis en relation avec d’autres personnes intéressées ou avoir plus d’informations, une adresse de contact pour cela : dialoguesocialcooperatif@nullsmart.coop