Nicolas Belayew
“En contribuant à la coopérative, j’aide d’autres à développer leur activité. Ça me semble être une vision plus vertueuse de ce que peut être l’entrepreneuriat. »

Nicolas Belayew enseigne à mi-temps à Saint-Luc et se rémunère d’autre part via un CDI auto-financé chez Smart grâce à ses activités en graphisme. Membre de la coopérative depuis 2007, il a été élu au conseil d’administration en 2023. Avec réalisme et pragmatisme, il défend le modèle d’entreprise partagée comme une alternative plus vertueuse à l’entrepreneuriat libéral… tout en identifiant les limites du modèle actuel. Créatif et optimiste, il n’en propose pas moins des solutions pour les dépasser.


 

Nicolas Belayew

Graphiste – Pierre Papier Studio

Charleroi

Chez Smart depuis 2007




Interview

Quel est ton parcours?

J’ai une double formation. J’ai d’abord étudié la communication à l’université mais j’ai toujours été attiré par une communication plus appliquée, plus visuelle. A la fin de ma licence à l’UCL, j’ai décidé de continuer à l’école de recherche graphique (ERG) à Bruxelles. Et puis j’ai travaillé pendant un an dans un centre culturel. C’était une expérience intéressante mais je me suis aussi rendu compte que ce n’était pas pour moi d’être employé dans une structure. Et puis la question du sens est assez vite intervenue. Il y a des moments où je devais être là au boulot mais je n’avais rien à faire…et donc j’attendais. C’était très frustrant. A cette époque déjà on organisait des activités avec Corinne (NDLR: sa compagne), ce n’était pas vraiment rentable mais c’était dans le but de développer des pratiques personnelles, des échanges au niveau artistique. Il y avait une incompatibilité entre ce que je vivais là et mon boulot. Je me suis dit qu’il fallait que j’essaye de travailler en freelance et voir si ça pouvait marcher.  

C’est à ce moment-là que tu rejoins Smart?

Oui, la formule proposée par Smart paraissait très évidente comme manière de faire car ça évitait que je me mette indépendant et ça minimisait la prise de risque. J’ai commencé à bosser comme graphiste, développer web et illustrateur tout seul pendant longtemps. Et puis on a lancé un collectif d’artistes autour de la sérigraphie et, à nouveau, Smart est apparue comme une solution évidente puisqu’on connaissait ses outils. De fil en aiguille et au gré des rencontres, j’ai pu développer plusieurs activités seul ou en association au sein de Smart. Aujourd’hui on travaille pour le secteur culturel mais aussi pour des entreprises qui vont de l’indépendant qui démarre à des grosses multinationales.  

"De fil en aiguille et au gré des rencontres, j’ai pu développer plusieurs activités seul ou en association au sein de Smart."

Pourquoi rester chez Smart?

Quand les choses ont grossi, je me suis posé la question de devenir indépendant ou de monter une société. Mais Corinne étant indépendante, on ne voulait pas être tous les deux sous le même statut. Et puis je trouve ça assez confortable de travailler avec Smart. Au niveau humain d’abord, parce qu’ici, à Charleroi, on a une super équipe qui est vraiment innovante, très à l’écoute et qui connait bien nos activités. Ça permet   d’avoir un véritable accompagnement et de ne pas être tout seul. Et puis il y a quelque chose de plus philosophique, car même si on sait que cette coopérative n’est pas parfaite, je me sens mieux dans un modèle qui permet d’avancer ensemble et qui réfléchit à la manière dont on entreprend. Je ne me reconnais pas forcément dans le modèle plus libéral de l’entrepreneur où le but est d’en tirer le plus possible à soi. En contribuant à la coopérative, j’aide d’autres à développer leur activité. Ça me semble être une vision plus vertueuse de ce que peut être l’entrepreneuriat. Et ça fait vraiment partie des raisons pour lesquelles j’y suis encore. 

"Je ne me reconnais pas forcément dans le modèle plus libéral de l’entrepreneur où le but est d’en tirer le plus possible à soi. En contribuant à la coopérative, j’aide d’autres à développer leur activité."

Avec des limites que tu identifies dans ce modèle coopératif?

Il y a quelques fois une friction qui est due à l’héritage du modèle associatif et qui peut ne pas toujours correspondre aux besoins auxquels on est confrontés. Il y a un mythe à casser sur ce que c’est qu’être un artiste et une série de clichés qui te collent à la peau quand tu es chez Smart.  Or, on est extrêmement organisés, parfois plus exigeant que nos clients. On passe notre temps à chasser des espaces mal placés dans des bouquins. Et donc on aime que ce soit pareil dans la gestion de notre entreprise. Il ne faut pas que le nom Smart nous empêche d’avoir l’air sérieux ou nous handicape dans nos relations plus business C’est pourtant une difficulté qui est par moment partagée par d’autres qui ont une grosse activité au sein de Smart. 

"Il y a un mythe à casser sur ce que c’est qu’être un artiste et une série de clichés qui te collent à la peau quand tu es chez Smart."

Vous êtes plusieurs membres à vous être réunis au sein d’un SmartLab pour proposer une série d’innovations, quelles sont-elles par exemple ?

Il y a eu beaucoup de discussions, notamment pour voir comment faire en sorte que la marque “Smart” soit aussi anodine dans nos rapports avec les clients que d’être chez Belfius ou ING. On a aussi imaginé une sorte de LinkedIn de Smart ou une plateforme du style “Deuxième main” pour faire circuler le matériel inutilisé en interne. Ou encore de pouvoir faire des achats groupés pour des licences de logiciels, par exemple.  

Vous avez donc pointé une série de manquements et d’opportunités ratées ?

Je ne dirai pas que ce sont des manquements, ni des opportunités ratées car sinon ça voudrait dire que ce serait un échec. Ce sont plutôt des opportunités qui ne sont pas encore concrétisées.