Pétition FACIR: Refonte des quotas de diffusion en FWB : du monstre du Loch Ness au cercle vertueux.

Appel à projets - 3/1/2018

Texte envoyé aux membres de la Commission Médias du parlement de la FWB le 19-12-2017

Refonte des quotas de diffusion en FWB : du monstre du Loch Ness au cercle vertueux

A l’heure des technologies de masse et de la transition qu’elles infligent aux modes de diffusion de la culture, la question de la défense des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles en repensant les quotas de diffusion audiovisuels peut sembler désuète voire — pour certains — carrément ringarde.

Lors d’une intervention au Parlement de la FWB, Monsieur Jean-Claude Marcourt mentionnait que “(…) les quotas de diffusion sont un peu le monstre du Loch Ness, notamment parce que la consommation de musique est en train de se modifier, même s’il y a une très forte résilience de la radio.”[1] La preuve de l’existence du monstre du Loch Ness n’a jamais été scientifiquement établie mais cette légende suffit à faire vivre une bonne partie de l’industrie touristique écossaise. L’impact positif des quotas dans d’autres paysages culturels que le nôtre — canadien, portugais, français et… flamand — est bien perceptible par la meilleure santé de l’industrie musicale et des artistes locaux des pays qui les appliquent [2]. En Belgique, la Flandre a pris depuis quelques années des dispositions afin de diffuser ses propres artistes sur les ondes, en instaurant — pour les seules stations du service public — un quota de 25% de musique produite en Flandre. Si on compare les ventes d’albums et de singles entre les deux communautés linguistiques, les artistes flamands sont deux fois plus représentés dans leur classement que ne le sont les artistes de la FWB dans l’Ultratop francophone[3].

A côté des mesures internationales, européennes et celles mises en place par la communauté flamande, le pourcentage de diffusion obligatoire de musique locale produite en FWB n’est que de 4,5% pour les radios privées et de 10% pour les radios publiques, ce que le FACIR, première fédération active des musiciens en FWB, juge insuffisant. Monsieur le Ministre de l’audiovisuel se trompe de monstre. Les quotas audiovisuels sont une hydre, l’animal mythique qui a plusieurs têtes se régénérant doublement quand elles sont tranchées. Appliqués sans ambition et sans subtilité, ils ne rendent quasi aucun service à l’économie et à la diffusion des nombreux artistes musiciens en FWB. Intégrés de manière claire et forte dans la diffusion culturelle, prenant en compte les enjeux de la transition numérique, ils deviennent un instrument d’éducation permanente; un véritable cercle vertueux au service de l’entièreté du secteur : musiciens, techniciens, centres culturels, labels, festivals, producteurs…

Pourtant brillante dans beaucoup d’autres domaines, la FWB est à la traîne. En effet, il n’existe aucune mesure en Belgique contraignant les médias de masse à appliquer leurs quotas lors des heures de grande écoute. La plupart des quotas sont remplis de nuit, ce qui annule leurs (déjà minuscules) effets bénéfiques. Il nous faudrait prendre exemple sur les mesures anti glissement horaire mises en place par d’autres pays afin que leurs quotas soient appliqués durant la journée, “…aux heures d’écoute significative (6h30 à 22h30 du lundi au vendredi et 8h à 22h30 le samedi et le dimanche)”[4] comme ce qui est le cas par exemple en France, au Portugal et au Canada.

En plus de s’aligner sur le chiffre de 25% de quotas de diffusion étant appliqué par la communauté néerlandophone, de diffuser les productions locales aux heures de grande écoute et en conservant le pourcentage actuel de diffusion de musique francophone[5], la mise en place de sous-quotas pour les productions musicales récentes (album datant de moins de 2 ans, titres de moins de 3 ans), ou moins diffusées (ne figurant pas dans le Top 100), permettrait au public de découvrir les talents musicaux émergents de la FWB dans toute leur diversité.

Le monde culturel d’aujourd’hui est en transition et les artistes en paient le plus lourd tribut. Jamais autant de contenu n’aura été aussi facilement accessible par le plus grand nombre et jamais les artistes créateurs n’en auront aussi mal perçus les fruits.

Les quotas sont une matière complexe pour un problème complexe et dépassant les considérations des seuls musiciens. Déjà mal en point depuis quelques années, nos productions et nos artistes locaux, comédiens, cinéastes, plasticiens, photographes… sont perdus dans ce flux continu d’informations culturelles étranger. Par l’application systématique de quotas de diffusion spécifiques, en radio, en télé, par une mise en avant obligatoire sur les pages des sites de VOD[6] en faisant pression sur les divers acteurs qui diffusent la culture sur le web[7], par la création de plus d’émissions spécifiques réservées à la mise en avant de nos artistes émergents aux heures de grande écoute, la FWB s’engagera dans la reconstruction pérenne du lien affectif unissant son public et ses artistes, au profit de tout le secteur.

En bref:
– Mise en place du quota de 25% de production FWB dès l’entrée en vigueur du contrat de gestion RTBF 2018
– Application des sous-quotas préconisés par le CSA (titres récents, artistes récents, morceaux hors TOP100)
– Mesure des quotas sur un horaire de journée
– Généralisation des quotas aux médias digitaux, radios numériques, etc.

Plus d’infos: c’est par ici.


[1] Réponse à la question d’actualité de Mme Véronique Salvi à M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, des Médias et de la Recherche scientifique, intitulée «Quotas de diffusion» FWB – Mars 2017. Une affirmation relayée par les chiffres, car même si elle connait une certaine érosion d’audience et de durée d’écoute depuis quelques années, la radio reste un média de premier plan en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cf Rapport et recommandation de diffusion en radio du CSA, disponible en intégralité sur leur site http://csa.be

[2] Les exemples abondent, notamment au Québec et en France, dont les politiques de quotas audiovisuels font vivre le secteur audiovisuel local depuis des années http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/749673/musique-francophone-quebec-consommation et http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/04/22/comprendre-les-quotas-de-chansons-francophones-a-la-radio_4907025_4355770.html

[3] Voir http://www.ultratop.be

[4] Source: rapport du CSA, ibid.

[5] Actuellement, obligation de diffuser entre 30 et 40 % de productions d’artistes FWB s’exprimant en français selon les radios. Source: rapport du CSA, ibid.

[6] Video On Demand: Contenu audiovisuel à la demande disponible en ligne ou via certains abonnements télévisuels numériques, surtout pour les contenus audiovisuels.

[7] p. ex. fournisseurs d’accès, agrégateurs de contenu, géants du Web comme YouTube / Spotify / Itunes etc…