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Le mouvement des freelances : origines, caractéristiques et développement

Une étude de Sergio Bologna

En Italie, le travailleur « autonome » correspond à ce que nous appelons en Belgique le travailleur « indépendant » : une personne qui « travaille pour son propre compte, qui n’a pas de salaire parce qu’elle ne dépend pas d’entreprises privées ou d’administrations publiques, qui travaille seule, sans collaborateurs salariés ».
Cette catégorie de travailleurs n’a cessé de se développer depuis la seconde moitié du XXe siècle, avec l’apparition de nouveaux métiers. Ceux que Sergio Bologna appelle les  «indépendants de la seconde génération » sont des enfants de la révolution numérique. Le travail de ces freelances repose sur des activités de service de type intellectuel. La propriété dont ils disposent pour exercer leur métier, leur stock de marchandises, c’est pour l’essentiel leur cerveau. Ils forment une catégorie de travailleurs complexe à délimiter dans la mesure où ce qui les rassemble ne repose ni sur un métier, ni même sur un secteur d’activité mais sur un statut, celui d’indépendant, et sur des conditions d’exercice de leur profession très semblables entre elles, en même temps que très éloignées de ce que vivent les salariés.
Encore faut-il noter que si, en vertu de leur législation nationale, beaucoup sont contraints d’opter pour un statut d’indépendant, celui-ci n’est pas inhérent à l’activité du freelance. Ce qui fait le freelance, c’est son autonomie, et cette autonomie peut parfaitement s’exercer dans le cadre de contrats de travail temporaires, comme le démontrent au quotidien les membres de Smart.
Durement frappé par la crise de 2008, qui a provoqué un effondrement de leurs revenus, le contingent de ces travailleurs intellectuels précarisés a dû affronter le marché sans protection sociale ou avec un niveau de protection rudimentaire, avec la perspective d’une retraite aux limites de la pauvreté, voire de pas de retraite du tout ». De ces difficultés sont nées des mouvements sociaux d’un nouveau type, qui ont vu pour la première fois des freelances de tous bords se regrouper dans la perspective de défendre collectivement leurs droits, en revendiquant leur appartenance pleine et entière au monde du travail.
Historien de la classe ouvrière, militant actif depuis la fin des années 1960 dans des mouvances d’extrême-gauche en Italie, Sergio Bologna a suivi de près l’émergence de cette « nouvelle force de travail » à laquelle il a consacré dès 1997 un ouvrage important, suivi de nombreux articles.
Dans la conférence que nous publions ici, dans une traduction effectuée par nos soins, il rappelle les grandes étapes qui ont conduit ces prolétaires de l’immatériel à prendre conscience de leurs spécificités et à se constituer progressivement en groupes de revendication.
Si le point de vue est italien, les perspectives qu’il développe sont internationales. C’est en effet à une initiative américaine que l’auteur se réfère d’abord, à titre de « modèle pour toutes les expériences futures » : le Freelance Union, syndicat des indépendants dont il décrit les raisons d’être et les principales réalisations.
Le mouvement des freelances est-il destiné, comme l’affirme Bologna, « à devenir une figure familière du dialogue social européen » ? En tout cas, les questions qu’il pose, ses revendications claires en faveur d’une sécurité sociale équitable et accessible à tous ne manqueront pas d’interpeller tous ceux que préoccupe l’évolution actuelle du monde du travail.


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