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La Photographie en Belgique

Une étude de Pool Andries & Emmanuel d'Autreppe, en collaboration avec le Bureau d'études

Quel est le contexte de travail des photographes aujourd’hui ? Quelles sont leurs réalités socio-économiques ? Existe-t-il un avenir pour la profession à l’ère du numérique ? Ces questions sont au cœur de cette étude, qui dresse un aperçu complet de l’industrie de la photographie en Belgique et fournit des clefs pour une meilleure compréhension du secteur.

L’industrie de la photographie traverse une période de turbulences depuis l’apparition du numérique. Cette avancée technologique majeure a libéré bon nombre de praticiens de toute une série de manipulations artisanales fastidieuses. Cependant, elle a aussi et surtout plongé le secteur dans une crise profonde. Seule une minorité de photographes semblent  aujourd’hui pouvoir vivre de leur art.  Selon les résultats d’une enquête menée par les auteurs,  en effet, 30% des photographes néerlandophones et près de la moitié des francophones (49%) vivent avec moins de 1000 euros nets par mois, ce qui est évidemment un  situation intenable dans la durée. 

L’étude se compose de trois grandes parties :  

I – « Radiographie du secteur de la photo en Belgique » est un état des lieux du secteur. Il donne un aperçu de la situation  actuelle à travers un répertoire des formations, des institutions, des différents acteurs et vise à baliser le terrain, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité.

II – Dans « Enquête sur la situation socioéconomique des photographes en Belgique », les auteurs présentent  les résultats d’un questionnaire, mis en ligne en octobre 2012, auquel ont répondu plus de 900 photographes actifs en Belgique. L’enquête aborde entre autres la question des statuts, de la nature des activités, des affiliations à des institutions (de représentation et de défense des photographes par exemple), des modes de travail (à la commande, pour des expositions, etc.), des revenus et des aides financières.  

III – Des entretiens avec des photographes actifs dans différents secteurs (presse, mode, beaux-arts, etc.) permettent, dans la dernière partie, de se confronter concrètement à leur vécu. Ces entretiens sont téléchargeables ici. En outre, deux articles spécialisés proposent des approches complémentaires. Le juriste  Dirk Vervenne aborde la question des  droits d’auteur et du droit à l’image dans le secteur de la photographie. Le  sociologue français Sylvain Maresca évoque pour sa part les nouveaux défis  lancés aux photographes par l’évolution  numérique.

Les premières conclusions 

La première constatation qui s’impose concerne la définition équivoque et fortement éclatée que le terme « photographe » a reçue ces derniers temps. L’époque semble révolue où l’on pouvait se faire une idée définie, claire et réaliste de cette catégorie professionnelle. Quelques explications à ce phénomène :

1. La numérisation de la photographie a eu des effets profonds et irréversibles sur les aspects techniques, financiers, sociaux et professionnels de ce métier. Elle a poussé le photographe à revoir fondamentalement son approche ou… à l’arrêter car les progrès techniques ont ouvert la porte à quiconque sait se servir d’un appareil photo. La concurrence accrue entre les photographes eux-mêmes a terminé de grignoter le prestige du métier. Cette compétition, à son tour, a fait chuter les prix et conduit à une baisse des revenus pour de nombreux professionnels.  Par ailleurs beaucoup doivent se résoudre à de lourds investissements pour acquérir du nouveau matériel ou pour diversifier leurs tâches. Aujourd’hui, le photographe n’a d’autre choix que de se profiler comme opérateur polyvalent, en mettant ses compétences et sa créativité au service d’un processus de production plus large et bien plus complexe que par le passé. La numérisation, combinée à l’usage d’Internet, a de plus contribué à complexifier encore davantage la question des droits d’auteur, au point que tant les donneurs d’ordres que les photographes paraissent souvent  méconnaître leurs droits.

2. Seule une minorité semble encore pouvoir vivre de la photographie. Beaucoup ont en parallèle un second emploi qui n’a aucun lien avec ce premier métier. Cela a un impact sur le statut des photographes, qui peut se marquer différemment selon les régions. Ainsi les Flamands optent majoritairement pour le statut d’indépendant. La plupart des contrats sont des contrats à court terme. C’est donc l’incertitude qui domine. La distinction dichotomique entre les employés d’un côté et les indépendant de l’autre ne répond par ailleurs plus à la réalité sur le terrain. Il est vraiment nécessaire de revoir les mesures sociales et fiscales existantes afin de répondre aux besoins de flexibilité du secteur. De nouvelles formes de coopération structurelle ou d’entreprises collectives, qui permettent de partager les coûts, sont aussi des solutions envisageables.

3. L’on notera toutefois que la formation n’a pas perdu une miette en popularité. La plupart des photographes en devenir – qui sont dans l’ensemble très contents de leurs études – semblent ne pas être effrayés par la situation parfois précaire dans laquelle leurs aînés se trouvent. Peut-être pas sans raison. Aussi bien les experts que les photographes demeurent convaincus que la demande pour une photographie de qualité perdurera.Mais une  demande claire émane du terrain pour que la formation des jeunes photographes soit diversifiée étendue à des spécialisations. Ces jeunes ne pourront se faire une place qu’à la condition de repenser radicalement le contenu du métier –qui sera par la force des choses  très différent de celui que leurs collègues plus âgés ont exercé jusqu’il y a peu.

 


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